PortraitsMI YUNG MARTIN
Mi Yung: l’euskara est nécessaire pour lire derrière la carte postale
La graphiste Mi Yung Martin (Pessac 1978) avait entendu la langue basque pour la première fois quand elle est venue en vacances de Toulouse à la côte de Lapurdi. Elle a écouté son cœur, et a appris à connaître les coins et la vie du Pays Basque. Puis, elle a compris que l’euskara était la clé pour s’immerger dans son nouveau chez elle.
26 Mars 2021 | ± 09min 39s
Quelle a été ta plus grande motivation pour apprendre l’euskara?
L’envie d’apprendre est venue peu à peu. Lorsque je suis arrivée à Biarritz, je ne connaissais pas la culture basque, mon conjoint y était déjà très attaché et m’a fait découvrir l’intérieur, les montagnes et la nature. Lors de ces sorties, j’ai réalisé que la culture basque était partout, et que les basques étaient partout, que c’était une langue vivante, au-delà de la toponymie et du folklore. Alors, j’ai voulu mieux connaître cette culture. Mon conjoint a appris l’euskara en premier, et quand ma fille aînée a commencé à l’Ikastola et que notre deuxième enfant a eu un an, j’ai commencé à apprendre.
Et c’était quand?
Ma mère est vietnamienne et nous avons grandi à Toulouse, en Occitanie. J’ai rencontré mon conjoint quand je suis venue en vacances au Pays Basque, alors on peut dire que je me suis installée à Biarritz par amour. Aussi, pour moi c’était important d’apprendre l’euskara pour parler avec les enseignant.e.s de l’Ikastola, avec les enfants. Je voulais montrer l’exemple à mes enfants. En plus, ma mère ne m’a pas transmis le vietnamien et je me suis rendue compte de l’importance des langues. J’aime apprendre les langues alors j’ai décidé d’apprendre le vietnamien et l’euskara.
Que t’a apporté l’apprentissage de l’euskara?
Premièrement, la langue m’a aidé à échanger avec ceux de l’Ikastola, avec les enseignant.e.s, les salarié.e.s, les parents, c’est important. A la Gau Eskola (centre d’apprentissage de l’euskara pour les adultes), j’ai rencontré beaucoup de monde, l’ambiance y est très bonne et l’enseignante est maintenant une très grande amie à moi, alors je dirais que j’ai eu la chance de faire partie d’un groupe avec une très bonne ambiance.
Quelle a été la réaction de ton entourage?
Au début, ma famille a été très surprise parce qu’ils pensaient que personne ne parlait en euskara. Avec le temps, ils ont réalisé que l’euskara était une langue vivante et pratiquée, qu’elle ne sert pas juste à donner des noms aux maisons. C’est vrai que mes parents se sont parfois sentis exclus quand on parle en euskara, mais ils comprennent et sont très ouverts. Ils sont contents maintenant, ils aiment beaucoup le Pays Basque et sont heureux de venir nous voir.
L’euskara, c’est le futur de mes enfants.
Avec qui parles-tu en euskara?
Maintenant je peux parler avec mes enfants, mais au début, ils ne comprenaient pas pourquoi tout d’un coup je leur parlais en euskara! Maintenant, on passe de bons moments devant un livre, on se traduit mutuellement les mots qu’on ne comprend pas, ils sont souvent fiers parce qu’ils ont plus de vocabulaire que moi! Parfois je parle euskara avec mon mari, et avec la professeure d’euskara qui est devenue mon amie, on commence toujours nos conversations en basque. Elle fait de la céramique et je l’ai aidé à créer son site Internet bilingue, ça a été utile de savoir l’euskara.
As-tu l’occasion de parler en euskara au travail?
Je suis graphiste et créatrice de mode. Quand j’ai créé ma première collection, j’ai voulu représenter des mots en euskara dans mes vêtements, donc c’était important de savoir parler en basque. Puis, j’ai aidé une amie à créer son site Internet dans les deux langues, donc là aussi c’était pratique de parler en euskara au moment d’organiser les textes.
Est-ce facile d’être apprenant à Biarritz?
A vrai dire, c’est difficile de parler en euskara à Biarritz, dans les magasins etc. il n’y a pas beaucoup de possibilités de le parler. En général on l’utilise toujours avec les mêmes personnes, à l’école, à la Gau Eskola, avec les amis. Mais il y a d’autres occasions, par exemple au marché avec les producteurs, à la médiathèque, au skate-park Lassosalai, au club de surf BASCS ou dans les évènements pour enfants dans lesquels je rencontre souvent des parents de l’Ikastola. Nous aimerions qu’il y ait davantage d’offre extrascolaire pour parler en euskara en famille. Je fais partie de la commission Lotu de l’Ikastola qui a pour objectif de créer des liens entre les familles, afin de faire découvrir la culture basque aux familles, à travers les enfants. Par exemple, cette année nous allons refaire le préau, alors la commission Euskaraz Bizi organisera des ateliers par niveau de langue.
Un endroit préféré pour parler en euskara?
Au festival Mintzalasai bien-sûr, au lac Marion! C’est magnifique pour les grands, comme pour les petits! J’avais aussi participé à un stage de surf parents-enfants en euskara avec BASCS et Mintzalasai, c’était super, un bon moment à partager en euskara.
Que dirais-tu à un étranger qui ne connaît ni la langue ni la culture basque?
Que l’euskara et le Pays Basque sont vivants, qu’il y a une culture ici qui a des racines très anciennes, mais qui se développe sans arrêt, un pays qui a une culture de son temps.
Sans parler la langue, il/elle ne découvrira pas la richesse d’une culture, il/elle aura juste l’image de la carte postale.
J'ai réalisé que la culture basque était partout, et que les basques étaient partout, que c’était une langue vivante, au-delà de la toponymie et du folklore. Alors, j’ai voulu mieux connaître cette culture.
Quelqu’un ou quelque chose qui t’a touchée en euskara?
Ma passion, c’est la danse. Avant le confinement, j’avais vu le dernier spectacle de la compagnie Bilaka, c’était très touchant car il mélangeait la langue et la danse, l’euskara et la danse contemporaine. Pour moi, tout y était: les racines, l’évolution, le futur, la danse basque qui continue à se développer. Ça m’a fait penser à mes enfants, ils grandissent dans cette culture et c’est eux le futur. Nous devons leur transmettre la richesse de cette culture, mais également la culture de leur grand-mère vietnamienne et leur grand-père provençal.
Raconte-nous une anecdote liée à l’euskara.
Une fois, j’étais avec ma fille et sur mon pull il y avait écrit "Lasai"(tranquille). J’étais pressée et je lui ai demandé d’aller plus vite; alors elle m’a répondu: "ama, toi tu n’es pas du tout lasai!"
Comment définirais-tu l’euskara en un mot ou une phrase?
L’euskara, c’est le futur de mes enfants.