PortraitsDELIA DELANNE
Sur la vague de l’euskara
Aujourd’hui, nous rencontrons une personne qui a pris une décision extraordinaire pendant qu’elle faisait la fête à San Fermin. Délia Delanne (Biarritz, 1996) a décidé d’apprendre l’euskara en pleine fête à Iruñea. Un an et deux stages en internat plus tard, la surfeuse dynamique de Biarritz a commencé à travailler à Euskal Herriko Laborantza Ganbara.
8 Juillet 2022 | ± 10min 57s
Quand on te voit sur les réseaux sociaux, on t’imagine sur une planche de surf, plutôt que dans les montagnes basques… Qui es-tu, Délia Delanne?
Je suis biarrote, du quartier Milady, et toute ma famille est dans le monde du surf. J’ai moi-même commencé le surf à 7 ans. Du côté de mon père, ma grand-mère était de Sare, bascophone, mais elle est partie vivre à Bordeaux et mon père n’a pas appris l’euskara. Au collège et au lycée, j’ai suivi une formation spécial surf: j’avais cours le matin, je pratiquais le surf l’après-midi et j’avais des compétitions le week-end. A 18 ans, je suis allée à Bordeaux et j’ai compris que le surf était pour moi un loisir, que je ne voulais pas en faire mon métier ou participer aux compétitions. J’ai commencé des études d’architecture, que j’ai arrêtées au bout d’un an. Puis j’ai étudié la géographie, jusqu’au niveau master. Ensuite, je me suis demandé dans quoi je pouvais travailler dans ce territoire, avec les acteurs locaux, sans savoir la langue. Je voulais apprendre l’euskara depuis un certain temps, mais j’ai eu cette réflexion pendant la période du Covid, et c’est devenu une priorité. Je suis allée aux fêtes de San Fermin avec des amis bascophones et c’était énorme. Alors je pense que c’est cette ambiance euskaldun qui m’a donné la force d’apprendre la langue.
Comment s’est passé ton processus d’apprentissage?
J’ai vu que l’Office Public de la Langue Basque proposait des aides financières pour apprendre l’euskara, alors je me suis inscrite à l’internat. Finalement, j’ai suivi deux stages intensifs de 6 mois à Lazkao, ça s’est très bien passé et j’ai beaucoup appris. Il est vrai que ça n’a pas toujours été facile, surtout les premiers mois, parce qu’avant d’aller à Lazkao, je ne savais rien dire, sauf Iepa et neska polita… Et je suis plutôt bavarde alors c’était très difficile de passer la journée à apprendre l’euskara puis de ne pas pouvoir parler après les cours. A partir du 3ème mois, j’ai commencé à prendre confiance et à faire des efforts pour communiquer en euskara. Je suis fière parce que maintenant je peux échanger en euskara et je l’utilise également au travail, donc je mets en pratique ce que j’ai appris.
Je suis vraiment contente parce que je découvre un nouveau monde. Quand les bascophones voient que l’on a fait l’effort d’apprendre, c’est comme si une barrière tombait et un nouveau monde s’ouvrait à nous. J’aime les langues et apprendre comment on construit les mots et les phrases en euskara.
Il est très difficile de vivre en euskara à Biarritz, voilà ce qu’il faudrait critiquer!
Quelle a été la réaction de tes proches et de tes amis de Biarritz quand tu es revenue de l’internat?
J’ai des amis bascophones, ils n’étaient pas vraiment surpris. Parmi les surfeurs, il y a une sorte de "localisme". Je crois que beaucoup voudraient savoir l’euskara, pour montrer qu’ils sont d’ici. Mon frère aussi a commencé à l’apprendre et sa copine est venue à l’internat avec moi. On a un lien avec la langue, avec la culture et je vois cet attachement dans le monde du surf, à Biarritz.
Tu as récemment intégré Euskal Herriko Laborantza Ganbara, quelle est ta mission?
J'ai commencé à travailler à EHLG dès la fin de l'internat, comme si c’était écrit à l’avance. Je viens remplacer Bixente Eyherabide, qui était le principal organisateur de Lurrama et d’autres évènements pendant 15 ans. J’ai eu la chance de travailler un peu avec lui, d’apprendre et de rencontrer les bénévoles d’EHLG. On a organisé l’anniversaire de la structure et le zikiro traditionnel à l’occasion du festival EHZ. Maintenant, je vais me concentrer sur l’organisation de Lurrama, mais je ne serai pas seule, Estelle et beaucoup d’autres personnes me prêteront aussi main forte.
Je suis ravie, parce que ce travail à Ainhice-Mongelos m’offre la possibilité de parler en euskara et de rencontrer beaucoup de personnes. J’avais un peu peur parce que cela arrive souvent d’oublier ce que l’on a appris parce que nous n’avons pas d’occasion de pratiquer.
Quand je suis revenue de Lazkao, beaucoup de gens pensaient que j’étais du Gipuzkoa à cause de mon accent, mais peu à peu, j’ai intériorisé l’accent et les mots d’ici.
Comment vis-tu cet aller-retour entre la côte et l’intérieur?
C’est la même chose avecle Pays Basque sud et nord. Certains n’aiment pas les croisements. On dit toujours que le Pays Basque n’est qu’un, alors il faut le montrerjusqu’au bout! Que l’on soit de Lapurdi, de Baxe-Nafarroa ou de Gipuzkoa, nous sommes tous euskaldun, c’est tout!
C’est comme avec les dialectes, ce sont la richesse de ce pays, alors pourquoi vouloir diviser? Heureusement, je suis de Biarritz et à chaque fois que je dis que j’ai appris l’euskara en deux ans, personne ne me juge, tout le monde est content et je n’ai entendu aucune critique parce que je suis de Biarritz.Il est très difficile de vivre en euskara à Biarritz, voilà ce qu’il faudrait critiquer!
Après, quand je suis à Ainhice, la mer me manque. Si je travaillais sur la côte, je pourrais aller à la plage après le travail; mais en même temps, je vois qu’il y a de plus en plus de gens sur la côte et je n’ai pas toujours envie de voir tout ce monde. A l’intérieur du Pays Basque, il y a le calme, et cette ambiance me plait de plus en plus.
Tu es également voyageuse?
J'ai beaucoup voyagé depuis toujours avec ma famille, nous avons fait beaucoup de surf trip à travers le monde, au Costa Rica, en Nouvelle-Zélande, au Maroc, en Australie, au Panama, etc... Puis j'ai eu l'occasion de passer six mois en Corée du Sud et au Chili.
J'ai eu la chance de voir beaucoup d’endroits magnifiques.
Quel est ton endroit préféré pour parler en euskara?
Je le parle au travail, ou sinon au gaztetxe de Biarritz ou avec mes amis d’Hegoalde, avec ma belle-sœur et, quand je fais la fête, je parle euskara sans aucun complexe!
D’autres passe-temps?
J’aime faire du sport, aller à la montagne ou à la piscine. J’aime aussi écouter de la musique, lire et passer du temps en famille.
Quelque chose que tu aimes?
Ma famille. On s’entend vraiment bien, on a une bonne ambiance, de très bonnes relations. Et j’aime créer des liens avec de nouvelles personnes: des jeunes, des anciens, tout le monde. Je crois que c’est grâce à cela que j’ai obtenu mon nouveau poste. Je suis en train de créer un nouveau réseau à 25 ans et j’en suis très contente.
Quelque chose que tu détestes?
Les nouveaux immeubles dans mon quartier. A côté de chez nous à Milady, ils ont commencé à construire un immeuble là où il y avait une maison individuelle. Chaque fois que je passe, j'ai envie de pleurer, je ne comprends pas comment on laisse faire ce genre de projet. Ça me fait vraiment de la peine. Biarritz est en train de changer et je ne sais pas si j'ai encore envie d'y vivre.
Un rêve?
Vivre en euskara?