PortraitsBEA SALABERRI
L’euskara, un excellent émetteur
Même si elle parle euskara depuis toute petite, Bea Salaberri (Donamartiri, 1979) a découvert l’univers de la langue basque au lycée de Donibane Garazi. Pour assouvir sa curiosité, elle a quitté la Basse-Navarre pour aller à Baiona et terminer son processus d’alphabétisation. Depuis, elle y vit toujours, elle y travaille et elle y écrit.
7 Mai 2021 | ± 08min 26s
Tu as enseigné l’euskara et maintenant tu travailles en euskara. Raconte-nous ton parcours.
Je viens de l’intérieur du Pays Basque, de Donamartiri. Ma famille est bascophone mais je n’ai pas été scolarisée à l’Ikastola. Je suis allée au lycée de Donibane Garazi et j’ai rencontré d’autres bascophones; mais surtout un professeur qui nous a fait découvrir le monde de l’euskara: Antton Luku. Depuis, je crois que l’euskara a été l’axe de mes choix de vie.
En 2000, je suis venue vivre à Baiona où l’ambiance était très euskaldun, avec beaucoup d’associations et d’animations. J’ai commencé à travailler à AEK: j’ai été professeur, puis salariée.
Sais-tu l’euskara depuis petite?
Oui, quand j’étais petite on parlait euskara à la maison, puis au lycée je faisais du théâtre, ce qui m’a permis d’améliorer mon niveau, je pense que c’est à ce moment-là que je me suis alphabétisée… Ensuite, j’ai eu la licence des Etudes Basques à l’Université de Bayonne et j’ai commencé à donner des cours à AEK. Quand on enseigne une langue, on améliore son niveau aussi car on doit être capable de répondre à toutes les interrogations des élèves. En somme, pendant que nous cherchons les réponses, nous travaillons de nouvelles notions.
Tu continues à travailler à AEK, que fais-tu exactement?
Je suis chargée de la formation des enseignants et je passe la plupart de mon temps dans les formations de six mois. Certaines personnes suivent des formations de sixmois avec AEK. Il y a deux groupes: le groupe des personnes sans emploi qui cherchent un travail en lien avec les enfants ou les jeunes, donc pour qui l’euskara serait un atout. Puis, dans l’autre groupe, il y a des personnes qui ont un objectif professionnel ou personnel qui restent en général entre 3 et 6 mois.
Depuis, je crois que l’euskara a toujours été l’axe de mes choix de vie.
Que faudrait-il faire en faveur de l’euskara?
L’euskara a besoin d’une vraie reconnaissance, il faudrait d’une certaine manière "imposer" la langue. Sinon, je ne vois pas comment on pourrait changer la situation. Il y a eu un arrêt dans la transmission et même si certains interprètent qu’il y a de plus en plus de locuteurs bascophones, je ne suis pas tout à fait d’accord. L’apprentissage de l’euskara ne devrait pas être une option, il faudrait généraliser l’immersion pour tous les jeunes de ce territoire. On ne peut pas tout laisser entre les mains des militants ou comme si c’était une action entre amis. Un jour j’ai entendu à la Communauté d’agglo que "l’euskara serait transversale, pratiquée dans tous les domaines, tous les postes". Je crois qu’il est temps de le mettre en place. Si la langue basque reste une option, elle sera toujours secondaire par rapport à d’autres langues, donc maintenant elle a besoin d’une reconnaissance. Il faudrait également soutenir les médias, les publications, la création en euskara en général, pour qu’il y ait une vraie offre. Ce qu’il n’y a pas aujourd’hui.
Comment surmonter une pandémie sans Korrika?
Korrika veut dire beaucoup de dynamiques, d’activités, beaucoup d’échanges entre les gens et c’est important. Bien-sûr, Korrika est important au niveau économique mais c’est aussi un espace de revendications dans lequel les gens soulignent leurs besoins par rapport à l’euskara. Enfin, ce rendez-vous réunit la communauté des bascophones et je pense que c’est ce qui nous manque le plus en cette période de pandémie. Korrika nous permet de célébrer l’euskara dans la joie.
Tu as étudié à Baiona, tu vis à Baiona et tu as écrit sur Baiona…
J’écris de l’endroit que je connais, car je pense que personne d’autre n’a écrit du même endroit que moi… C’est sûr que l’endroit a une influence sur l’écrit et Baiona apparait dansles deux livres que j’ai publiés jusqu’à maintenant, mais je ne l’ai pas cherché. Baiona a beaucoup changé pendant la dernière décennie, l’ambiance euskaldun du Petit Bayonne… Je ne sais pas pourquoi. J’ai une pointe de nostalgie mais je suis consciente que ces changements ont été voulus d’une certaine manière et que ça a permis la pérennisation de plusieurs structures, ce qui n’aurait pas eu lieu si l’euskara n’avait pas été institutionnalisé… Mais d’un autre côté, je pense que nous déléguons beaucoup trop aux institutions… Ce qui était dans nos mains est maintenant dans les mains des institutions. Le terrain de jeu a complétement changé, mais on l’a cherché.
Un endroit agréable pour parler en euskara?
Je dirais Kalostrape mais en ce moment c’est fermé. Alors plutôt qu’un endroit, je dirais une bonne compagnie.
L’euskara, pour draguer ou pour se fâcher?
Les deux, l’euskara sert dans toutes les occasions. Parfois elle peut être source de colères mais c’est toujours une porte d’entrée pour pouvoir faire mille choses que l’on aime.
Quelque chose que tu détestes?
La négligence ou le laisser-aller, laisser les choses sans les faire.
Quelque chose que tu aimes?
La transmission, transmettre une langue, un sentiment.
Si la langue basque reste une option, elle sera toujours secondaire par rapport à d’autres langues, donc maintenant elle a besoin d’une reconnaissance.
Comment serait le pays de l’euskara de tes rêves?
Nous serions tous bascophones unilingues donc on n’aurait pas à se soucier de la sauvegarde de l’euskara et nous serions un peuple très créateur. Je serais sûrement au chômage mais j’aurais beaucoup de temps pour écrire des livres qui seraient bien payés!