PortraitsFABIEN MENDIBOURE
La vie est un jeu !
Comme dans de nombreuses familles basques, après avoir appris et perdu l'euskara quand il était enfant, Fabien Mendiboure (Bayonne 1981) s'est aperçu à l'adolescence qu'il lui manquait quelque chose pour construire sa vie. Grâce au coup de cœur d’il y a 15 ans pour AEK, il travaille actuellement en euskara, pour l'association Gaia qui propose des jeux à tous les publics.
18 Juin 2021 | ± 10min 03s
Quand j’ai demandé qui tu étais, on m’a répondu "Fabien, le jeune joueur Angeluar qui a toujours le sourire".
Je crois que cette définition est juste, en tout cas j’espère que c’est le cas; grâce à mon travail et à mes amis, j’envisage la vie avec un grand sourire. J’ai aussi été pilotari, j’ai joué à la main nue depuis tout petit et j’ai eu la chance de parcourir le Pays Basque, en jouant dans un nouveau trinquet tous les weekends, pendant 30 ans. Maintenant je joue un peu moins, mais j’ai le plaisir de l’enseigner aux plus jeunes. Il faut motiver les jeunes pour qu’ils et elles s’intéressent à la pelote, il faut qu’ils y prennent du plaisir.
Est-ce vrai que tu passes tes journées à jouer avec l’association Gaia?
On peut dire ça. J’ai intégré l'association Gaia en 2009, et c’est essentiellement une histoire de famille. Au départ, c'est mon oncle qui a créé l'association avec des amis et maintenant, mon frère est le président et je suis le salarié. Nous organisons des jeux de pelote et des jeux basques que avons tout de même adapté pour les proposer à tous les publics, pour les proposer dans des contextes différents, dans les écoles avec les enfants, les comités d'entreprise, les personnes en situation de précarité, tout le monde, les jeux sont vraiment divers et ouverts à tous. D'autre part, nous voulions effacer cette image folklorique des jeux basques; les jeux populaires viennent des sports populaires, nous les avons adaptés et nous avons apporté notre façon de faire, mais les sports populaires ont une histoire et nous devons en être fiers. Nous avons voulu donner un sens à ces jeux avec notre expérience et notre pédagogie. Après, le plus important c’est de s’amuser.
Grâce à mon travail et à mes amis, j’envisage la vie avec un grand sourire.
Quel est l’objectif de l’association Gaia?
Nous voulons allier le jeu, la culture et la diversion en mettant l’euskara en avant. C'est pourquoi avant de commencer à travailler pour Gaia, il était indispensable pour moi de bien apprendre l’euskara pour travailler en euskara. Après, nous pensons qu’il est important de travailler avec des personnes de l’extérieur, pour leur montrer qu'il y a une réalité différente de l'image folklorique de notre pays. Pour beaucoup de gens, les basques chantent, dansent et surfent c'est tout; c'est à nous de dépasser cette image et de montrer la réalité de ce peuple. Ces jeux sont finalement un outil pour toucher un autre public. A travers les jeux, nous leur parlons du Pays Basque, du patrimoine, de l'histoire, de la langue et c'est très important. Ils sont souvent surpris, car ils ne connaissent pas ce point de vue. En plus, grâce à ces jeux, nous créons des liens entre des personnes de tous les âges, il y a une très bonne ambiance. A la fin, 99% de participants nous remercie et part avec un grand sourire, ce qui fait vraiment plaisir.
Tu travailles souvent avec les jeunes… Est-ce facile de les décoller de leur smartphone pour faire du sport?
Oui, et je dirais même qu’ils s’amusent d’autant plus. C’est vrai que les jeunes passent beaucoup de temps devant les écrans, dans leur monde, mais quand tu leur propose quelque chose de différent, ils prennent beaucoup de plaisir. Les paniers, les pelotes, le bois, nos outils sont loin de leur monde, mais ça leur plait. Les jeux y prennent tout leur sens, ils jouent ensemble et je pense que ces vieux jeux sont toujours d’actualité. C’est important et les jeunes sont intéressés.
Comment as-tu appris l’euskara?
Comme pour beaucoup de gens, mon rapport à l’euskara n’a pas été très simple. Ma famille est bascophone, mes parents sont originaires d’Hazparne et de Donamartiri et quand on était petits, jusqu'à cinq ans peut-être, on parlait basque à la maison. Puis j’ai commencé l'école, en français, à Bayonne où il y avait peu de bascophones; je me souviens que Txomin Heguy, récemment décédé, était notre professeur d’euskara. Puis à l'adolescence, j'ai complètement perdu l’euskara; immergé dans un milieu francophone, je ne me sentais pas basque. Au lycée, j’ai commencé à me poser des questions: "Pourquoi ne parle-t-on pas en euskara? Pourquoi nos parents ne nous ont pas transmis la langue?"… Mes parents nous ont rappelé que nous ne voulions pas parler en euskara car nous avions honte devant nos amis. Mais au lycée, je restais avec d’autres bascophones, on écoutait de la musique en euskara et les autres nous regardaient comme si on était des extraterrestres. Après mes études de STAPS à Tarbes, j’ai décidé qu’avant toute chose il fallait que je parle basque. En m’informant, je suis tombé sur la possibilité de partir en internat avec AEK et j’ai passé les sept mois suivant à Forua. Une belle expérience, très enrichissante. Je suis aussi allé à la Gau Eskola de Bayonne et je continue à apprendre de nouvelles choses. Je dois beaucoup à AEK depuis quinze ans.
Est-ce facile d’être euskaldun à Anglet?
Ce n’est peut-être pas le lieu le plus approprié et le plus bascophone, mais si on tend l'oreille, on remarque qu'il y a beaucoup d'associations autour de la langue basque et qu'il y a une belle dynamique euskaldun. Il n’est pas facile de faire bouger les choses à la mairie, mais on est là.
Ton endroit préféré pour passer un bon moment en euskara?
L’association Patxondo, c’est une peña du petit Bayonne, à côté de la place Patxa, il y a une bonne ambiance pour parler en euskara.
L’euskara, pour draguer ou pour se fâcher?
Pour draguer, sans aucun doute, l’euskara c’est un plus, ça rajoute du charme pour moi. J’ai de bons souvenirs, d’une autre époque.
Quelque chose que tu détestes?
Ceux qui parlent beaucoup mais qui ne font rien, ceux qui sont sur les réseaux sociaux mais que tu ne vois jamais ailleurs.
Quelque chose que tu aimes?
L’amitié, mes amis sont très importants pour moi.
Une anecdote avec l’euskara?
Quand j’étais à l’internat, j’étais avec d’autres très bons élèves et pendant la pause de midi, on écoutait de la musique dans la chambre. Un jour, on écoutait un album de Negu Gorriak que l’on connaissait bien et d’un coup, on s’est rendus compte qu’on comprenait les paroles de la chanson Horrelakoa da bizitza! C’était la première fois alors on a fêté ça avec une grande fête!
Comment serait le pays de l’euskara de tes rêves?
Un pays euskaldun dans lequel chacun a sa place, chacun peut réaliser ses rêves, dans lequel nous vivrions tous ensemble, dans le respect et l’euskara serait le lien entre tous.