PortraitsTEREXA MICHELENA
Je crois au travail collectif
Les habitués des fêtes pour la langue basque connaissent bien le visage de Terexa Michelena (Biarritz, 1944). Elle met dès qu'elle peut ses compétences de trésorière au service d'associations, de collectifs ou d'éventements en iparralde. Nous l'avons rencontré sous le chapiteau du Festival Mintzalasai au bord du Lac Marion.
30 Septembre 2022 | ± 06 min 33 s
Pas de répit pour les défenseurs de la langue basque à Biarritz?
Il y a toujours à faire en effet; à Biarritz, le service municipal de la langue basque fait un joli travail, auprès des associations et ce durant toute l'année, mais aussi en organisant ce joli rendez-vous qu'est le festival Mintzalasai. Personnellement, c'est un plaisir de venir aider ici. Il est vrai que je suis fréquemment bénévole dans ce genre de manifestations et j'ai aussi été trésorière de Seaska pendant longtemps.
Vous savez le basque depuis l'enfance?
J'ai grandi dans un quartier populaire de Biarritz, en haut de la rue Verdun; mon père était originaire d'Ustaritz et ma mère de Guiche. Le basque était la langue maternelle de mon père mais ma mère ne le savait pas. Mon père travaillait de longues heures dans la restauration et on restait donc la plupart du temps à la maison avec ma mère, on parlait donc en français. On entendait parfois mon père parler en basque avec les curés!
Mais pour moi c'était une évidence, il fallait que j'apprenne la langue de mon père, la langue de ce pays.
Jeune, lorsqu'on sortait avec les amis, je chantais des chansons en euskara mais je ne comprenais pas les textes, alors pour remédier à ce problème, j'ai commencé à apprendre le basque, j'avais 28 ans environ. À€ l'époque, AEK n'existait pas encore et je prenais des cours avec l'association Angeluko ikasleak. Le matériel pédagogique étant alors inexistant, je m'étais moi-même enregistré lisant les leçons puis je me repassais les bandes sonores en préparant la soupe, dans la voiture...Par ailleurs, pendant un mois, tous les jours je voyais Beñat Oihartzabal pendant une heure pour me perfectionner. Il rit quand je luis dis que c'est grÀ¢ce à lui que j'ai appris l'euskara, mais c'est vrai, Beñat est quelqu'un de génial et j'ai beaucoup appris avec lui.
Aujourd'hui je fais encore des fautes mais je peux parler et comprendre les gens en langue basque, je lis et j'écoute aussi des émissions, je peux donc dire que j'utilise le basque.
Que pensez-vous de la situation de notre langue?
C'est compliqué, de plus en plus de monde vient s'installer ici, d'ailleurs dans les ikastolas aussi la plupart des familles ne sont pas bascophones. On a d'un coté un aspect positif car ces familles souhaitent que leurs enfants sachent le basque mais d'un autre coté, on a une langue que l'on entend et que l'on parle de moins en moins.
Que proposeriez-vous pour améliorer cette situation?
Une loi s'impose, pour que le basque et le français aient le même statut. Tous les employés de l'administration, des postes devraient savoir le basque et on devrait pouvoir le parler partout. Nous devons nous battre pour obtenir ce droit.
Quel est votre coin favori où il fait bon parler en basque?
Je dirais le Zúzúlú, rue des Cordeliers à Bayonne. Nicolas Armendaritz a crée cet espace très agréable, avec un coin pour le coworking, un autre pour son activité de sérigraphie et il organise aussi des concerts, c'est vraiment bien. À€ Biarritz je pense au bar le Plaza Berri, c'est aussi très sympathique.
Une anecdote à raconter?
Je pense à deux personnes en particulier, Filipe Bidart eta Gexan Alfaro qui dès l'instant où je leur ai annoncé que je commençais à apprendre le basque, ne m'ont plus jamais adressé la parole en français, ils m'ont aussi beaucoup aidé!
Que détestez-vous?
Un jour, je discutais en basque avec une amie devant le magasin Ekhi à Biarritz et là, des passants nous lancèrent d'un air méprisant: Ici on est en France! Je leur répondis qu'elles n'avaient qu'à y rester en France, qu'ici ce n'était pas la France. C'est ce genre de personnes que je ne supporte pas.
Ce que vous aimez?
J'aime les actions et les luttes collectives. Je dois être au sein d'un groupe, je ne crois être capable de mener quoi que ce soit seule. J'aime le travail collectif.
Un rêve?
Ils ont annoncé la libération sous conditions de Ion Parot et Jakes Esnal très récemment. Bien évidemment c'est une très bonne nouvelle, mais j'ai du mal à dire qu'on a obtenu quelque chose, vu le nombre d'années qu'ils ont passé derrière les barreaux. J'ai toujours été dans les collectifs de soutien aux prisonniers basques et c'est un sujet auquel je suis très sensible. Je dirais dons que mon rêve serait de voir tous les prisonniers libres, sans bracelet, au Pays Basque.