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Portraits

Euskara²= l’euskara à la maison + au travail

Même si elle a grandi dans la capitale française, Hélène Charritton (1965 Paris) a toujours eu conscience de l’importance de l’euskara. Une fois rentrée au Pays Basque, elle a travaillé dans divers établissements avec différentes responsabilités dans le domaine de l’enseignement, en français et en euskara. Maintenant, elle s’appuie sur cette expérience et ses compétences pour aider les autres. Nous l’avons rencontrée à l’espace de Coworking qu’elle a créé: Ekitegia à Baiona.

Euskaraz irakurri

9 Avril 2021 | ± 08min 45s

Enseignante, directrice et maintenant conseillère en orientation et en compétences; de Paris à Baiona, raconte-nous ton parcours.

J’ai enseigné la littérature et l’histoire en français, puis j’ai été formatrice et enfin, directrice au Lycée Etxepare de Baiona. Après avoir passé vingt-cinq ans dans l’enseignement, il y a quatre ans, j’ai décidé de faire autre chose, de me fixer d’autres objectifs.

Au début, mon idée était d’enseigner l’euskara et de proposer des plans pour utiliser davantage l’euskara dans les associations, les entreprises, comme le font AEK ou la coopérative Emun. Je savais qu’il serait difficile de structurer ce projet, alors je l’ai complété avec d’autres de mes compétences. Maintenant, avec l’outil Gogaide, je propose de l’aide dans le domaine professionnel, je fais des bilans de compétences avec des adultes et des bilans d’orientation avec des jeunes. Je propose ces services à Baiona et en Pays Basque intérieur, et à vrai dire, il y a beaucoup de demande. Je souhaiterais développer mon activité en Hegoalde, mais c’est compliqué car ils ne sont pas habitués aux bilans de compétences.

Au lieu de louer un bureau pour cette activité, j’ai décidé d’ouvrir un espace de Coworking: un espace partagé où l’euskara a sa place dans les discussions, dans l’ambiance… Son nom est Ekitegia et nous sommes une dizaine de membres: un.e sexologue, un.e psychologue, des personnes qui travaillent dans la communication, des non-bascophones qui apprécient cette ambiance euskaldun.

Parles-tu euskara depuis petite?

L’euskara est ma langue maternelle, mais je ne la maîtrisais pas jusqu’à mes 30 ans. Je suis née à Paris et quand j’étais petite, nous allions souvent à l’Euskal Etxea (Maison Basque) de Paris, car mes parents étaient membres. Un jour, j’étais en CP et en cours de français, on nous a demandé de préparer une auto-dictée. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai choisi un texte en euskara. Quand j’ai montré mon travail à aita (mon père), son visage s’est illuminé et il m’a donné 5 francs! Je n’avais que six ans, mais j’avais compris que l’euskara était quelque chose de positif, de pratique et d’intéressant au niveau économique!

A huit ans, nous sommes rentrés au Pays Basque et après mes études et une première expérience professionnelle dans la restauration, je suis tombée enceinte. Alors j’ai décidé de devenir enseignante. A l’époque, je ne parlais pas très bien l’euskara, mais vu que dans la filière privée ils avaient besoin de professeurs, j’ai commencé dans une classe bilingue. Depuis, j’ai repris les études et j’ai un master en études basques. Je suis également en train de faire une thèse de doctorat autour de l’euskara. Je n’ai pas encore le même niveau en euskara et en français, mais c’est mon objectif.

Plutôt qu’à un endroit, j’associe les bons moments passés en euskara à des personnes.

Que proposerais-tu pour que l’euskara soit plus présent dans les entreprises en général?

Je n’ai pas de recette magique. Je suis parfois très optimiste, et parfois assez pessimiste à vrai dire. Je ne veux pas être alarmante, mais je crains que cette crise Covid ne soit néfaste pour l’euskara. Pour ma part, j’ai de la chance car j’arrive à vivre en euskara. Mais à l’échelle collective, surtout pour les personnes qui s’installent ici, c’est compliqué de créer un lien avec la langue et la culture. Je pense que les collectivités devraient impulser des programmes simples, pour que tout le monde ait un contact minimum tous les jours avec l’euskara, surtout les gens qui ne sont pas d’ici, pour qu’ils aient une ouverture, pour comprendre et pour apprendre l’euskara.

L’euskara: un atout ou un obstacle dans le monde des entreprises?

Un atout, sans aucun doute. Je propose mes services également en euskara et je vois beaucoup de bascophones. C’est devenu naturel et c’est même bien vu.

Par contre, il est encore difficile d’aller en Hegoalde. J’ai eu beaucoup de difficultés pour y développer mon activité. Déjà quand je travaillais dans l’aéronautique, j’ai pris conscience des obstacles à travailler des deux côtés de la frontière. Puis, étant donné que les systèmes des bilans de compétences sont différents, c’est difficile. Je me suis retrouvée face à cette réalité plusieurs fois, dans les forums transfrontaliers ou lors de mes différents essais… C’est une déception pour moi, mais je ne laisse pas tomber et quand j’y arriverai je vous raconterai.

Un endroit sympa pour passer un bon moment en euskara?

Plutôt qu’à un endroit, j’associe les bons moments passés en euskara à des personnes: les parents du conseil d’administration du lycée, les membres du collectif Erabil dont je fais partie…

Quelque chose que tu détestes?

L’indifférence des gens… J’ai des difficultés avec les personnes qui ne voient pas l’euskara ou en général avec les personnes qui ne voient pas certaines choses ou certaines personnes.

Quelque chose que tu aimes?

J’aime les projections illimitées… Les idées qui surviennent quand on refait le monde… Je suis un peu utopiste.

Comment serait le pays de l’euskara de tes rêves?

Un pays dans lequel l’euskara serait naturel, sans doute. Dans ce pays, tout le monde pourrait s’exprimer, intellectuel ou pas, tout le monde aurait sa place et tous les moyens de s’exprimer seraient acceptés, on prendrait en compte l’avis de chacun et on se sentirait au même niveau en Iparralde et en Hegoalde. Ce serait évidemment un Pays Basque sans frontière et nos cultures seraient mieux comprises et ressenties…. Ce ne serait pas un pays monolingue, les habitants seraient plurilingues, même si l’euskara serait la langue locale


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